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La Théorie critique, autrement appelée «École de Franc-fort»,
fait retour, avec la troisième génération représentée
par Axel Honneth, à la «philosophie sociale». C'est-à-dire à
l'analyse des processus de développement qui sont vécus comme
manqués ou perturbateurs. Dans sa quête d'une critique des
«pathologies du social», la Théorie peut-elle également faire
retour à des concepts marxistes ?
Soit le concept, fixé par Georg Lukács, de «réification» - colonisation
du monde vécu par la généralisation unidimensionnelle
de l'échange marchand à toute interaction sociale, en sorte que
les sujets perçoivent partenaires et biens comme des objets. La
Théorie critique, pour sa part, distingue trois formes de réification
- intersubjective (le rapport aux autres), objective (le
rapport au monde) et subjective (le rapport à soi) - également
fondées sur l'oubli préalable de la reconnaissance de l'autre.
La réification intersubjective résulte aujourd'hui de pratiques
nouvelles qui considèrent les hommes indépendamment du
monde vécu auquel ils appartiennent - depuis l'aboliton de
la substance juridique du contrat de travail jusqu'à la réduction
des dons de l'enfant à un objet de mesure génétique et de
manipulation. L'autoréification - saisir ce qu'on éprouve psychiquement
comme objets à observer ou à produire de manière
normée - est le fruit des pratiques institutionnalisées de présentation
de soi : des entretiens d'embauche ou du coaching à
la recherche d'un partenaire amoureux sur Internet.
Demeure, pour Axel Honneth, «une certaine inquiétude :
celle de voir nos sociétés prendre le chemin que Lukács, en
utilisant des moyens insuffisants et en généralisant à l'excès, a
entrevu il y a quatre-vingts ans».