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Se relire, c'est reprendre une oeuvre ancienne, publiée, intervenir dans
ses marges (en préface, ou en notes), la recomposer (en OEuvre complète ou
en anthologie). C'est ériger, souvent, son propre tombeau, se réviser voire se
renier, que le relecteur mette ses mots dans ses mots ou qu'il use de la colle
et des ciseaux. Mais se relire par l'image est-ce encore se relire ? L'altérité de
soi à soi est autrement radicale, quand le relecteur passe à l'image, dans le
livre, sur la scène ou à l'écran. Le volume 1 envisageait la relecture depuis le
XVIIIe siècle, le second se concentrait sur le XXe siècle. Ce volume en revient au
XIXe siècle parce que l'image se fait omniprésente, obligeant les écrivains à se
relire autrement, non seulement dans l'espace clos du cabinet de travail mais
aussi dans le contexte de l'espace public d'une culture de masse visuelle.
Dès lors «revoir» son texte, ce n'est pas l'adapter. Il ne s'agit pas ici de
penser comment l'image figure le texte, mais comment elle le refait selon
son propre régime sémiotique, comment elle fait retour sur lui et l'affecte.
Bien des points communs cependant relient la relecture par l'image aux
formes étudiées dans les volumes précédents. L'alternative est souvent la
même : se relire, est-ce se relier, se réapproprier son oeuvre propre voire sa
mise en image par d'autres ? Ou se délier de soi, de son oeuvre ancienne ?
L'une des principales fonctions de la relecture se retrouve de même ici :
«revoir» son texte, c'est encore très souvent rectifier une réception, un
malentendu originaires.
Cependant, parce qu'elle rompt avec le texte, la relecture par l'image
interroge l'écriture même. La confrontation entre les deux systèmes sémiotiques
semble la contraindre à s'interroger sur ce qui forme son essence, ses structures
essentielles. Quand la relecture par les mots réécrit le texte, l'image, alors même
qu'elle semble ne pas y toucher, le désécrit radicalement.