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«On est comme la vague quand le joran se lève, comme les nuages
au ciel.» Installé depuis fin juin 1914 en Suisse romande, l'auteur de
Raison d'être salue avec enthousiasme le déclenchement de la
Première Guerre mondiale, voyant en cet «événement» l'expression
tangible de la crise décisive qui rendrait à l'homme le sens des
valeurs, le goût de l'élémentaire. Toutefois, très vite, un sentiment
contradictoire se fait jour, et l'euphorie fait place à la désillusion.
Au fil des chroniques, l'événement s'intériorise, devient un signe
parmi d'autres du chemin vers la vie authentique. «Je distingue seulement
que nous allons vers autre chose, parce que nous avons
besoin d'autre chose et c'est à cet "autre chose" quel qu'il soit que
j'applaudis, par cela même et cela seulement qu'il est autre chose.»
La réflexion de Ramuz se recentre sur les motifs premiers de sa
poétique, s'éloignant dès lors de la dynamique de l'Histoire, en un
temps et un lieu où l'art et la vie se rejoindraient.
Comment dire le monde présent, par quelle puissance configurante
de l'imagination ? Quelle réalité nouvelle à travers l'acte même
d'écrire, quelle création ? Autant de préoccupations, d'affirmations,
d'intensités, mais aussi de doutes et de présences du néant et de la
mort qui traversent l'oeuvre, de manière particulièrement évidente
durant la Première Guerre.
Souvent méconnus, les articles et chroniques de 1913 à 1919
jouèrent un rôle non négligeable dans l'élaboration de l'esthétique
de Ramuz et de la posture qu'il se donnera dans l'entre-deux-guerres.
Etroitement liés aux «morceaux» et aux essais, ils montrent
une pensée en mouvement venant par là même enrichir notre
appréhension de l'oeuvre.