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La formule selon laquelle l'Union européenne serait une «Fédération d'États-nations»
a connu un grand succès. Il est en effet tentant d'examiner la construction
européenne au regard de la doctrine du fédéralisme. Mais une telle formule
demeure ambiguë aussi longtemps qu'on ne définit pas précisément la notion de
Fédération. C'est à une telle entreprise de définition que s'attache le présent
ouvrage, dont l'hypothèse est que la Fédération n'est pas un État et qu'il faut donc
l'arracher à l'emprise des concepts forgés par la théorie de l'État (la souveraineté
ou la notion d'État fédéral, par exemple) si l'on veut comprendre sa véritable
signification.
L'originalité de la Fédération réside dans le fait qu'elle est issue d'une libre
association d'États qui entendent fonder un nouveau corps politique, tout en
voulant rester eux-mêmes des entités politiques.
Cette juxtaposition des États-membres, les membres fondateurs, et de l'entité
fédérale ainsi créée est le problème-clé de toute théorie de la Fédération. Ce problème
retentit sur tous les niveaux : formation de l'union fédérale, institutionnalisation
de la fédération, admission de nouveaux membres, etc. À la différence,
toutefois, des simples alliances ou des organisations internationales, dotées de la
même structure juridique, la Fédération est une institution politique, par ailleurs
dotée de finalités spécifiques et limitées. Elle est aussi une forme politique qui se
conjugue avec diverses formes de gouvernement ; si la république fédérale
(Suisse, États-Unis) est son type normal, elle peut aussi avoir comme type anormal
l'union de monarchies, comme le montre le cas de l'Allemagne du XIXe siècle.
Ainsi restituée dans toute sa complexité et toute sa richesse, la Fédération retrouve
une place méritée sur l'échiquier des formations politiques, à égale distance de
l'État et de l'Empire. Jugée à l'aune de cet étalon, il sera désormais possible
de mesurer l'écart qui existe entre l'Union européenne telle qu'elle fonctionne et
une véritable union fédérale.