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La dignité humaine est partout élevée aujourd'hui, jusque dans
l'espace public, au rang d'un enjeu suprême, sinon d'un symbole. Il
n'est guère de grandes causes où on ne l'invoque au titre
d'argument ultime dans les débats de notre temps. La nécessité
d'un accord universel minimal autour d'un principe commun à
toute l'humanité, au sein du pluralisme des croyances, des cultures,
voire des conceptions de l'humanité elle-même, et le souvenir
encore frais des horreurs totalitaires, joint aux nouvelles formes de
terrorisme, accentuent l'urgence de toujours mieux la cerner.
En même temps, la question du corps se renouvelle et s'avère
un premier impératif de l'heure, au milieu des controverses les plus
cruciales provoquées par les innovations de la science médicale,
l'ingénierie génétique, les technologies thérapeutiques, bref la
«révolution biologique». Au vrai, comme s'il le suscitait même, le
progrès des sciences s'accompagne du retour en force de l'humain,
naguère déclaré «de trop».
Ainsi en va-t-il dans toutes les sphères de la société, du
politique à l'économie, de la médecine au droit. Ce sont justement
ces différents champs d'applications concrètes de la référence à la
dignité humaine, mais aussi son histoire, que se sont répartis les
six auteurs réunis en ce petit volume, trois Français et trois
Québécois.
Un constat au moins s'impose : nous sommes restés captifs
d'une énigme mystérieuse, inéluctable. La reconnaissance de la
dignité humaine relève d'une exigence antérieure à toute
philosophie. Le cri d'Antigone retentit toujours contre tout effort
de réduire l'être humain et sa transcendance ; il est à jamais
témoin d'une indéfinissable dignité que l'on peut davantage
reconnaître que connaître, procédant de ce qui «élève chacun de
nous au-delà de lui-même».