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Quand, en 1912, les futuristes russes lancèrent leur Gifle
au goût public, ils s'attaquaient à des comportements dictés
par le conformisme, l'académisme, l'imitation des poncifs. Il
existait alors un «goût public» qui résistait aux innovations
et préférait le confort des habitudes acquises aux aventures de
l'invention créatrice. Aujourd'hui, un tel manifeste n'aurait
aucun sens car le «goût public», façonné par la tradition, a
fait place au culte du «n'importe quoi» et à un éclectisme
sans limites. Il serait vain toutefois de le regretter et de vouloir
ressusciter un ordre définitivement disparu. On sait
désormais que la création et la destruction sont indissolublement
liées et que la poétique de notre temps est celle du
chaos. Pourtant un regard sur le passé est salutaire pour nous
aider à évaluer ce que Kandinsky appelait «le spirituel dans
l'art». La présence centrale de l'icône dans l'avant-garde
russe, non comme modèle immuable, mais comme principe
créateur, l'ontologie de l'art de S. I. Witkiewicz, fondée sur
l'inassouvissement par la forme, sont autant de repères pour
nous prémunir contre le nihilisme contemporain. En Russie,
comme ailleurs, le sens artistique, sans lequel il n'y aura
jamais ni culture ni société qui vaille, continue à se transmettre
à travers les «niches», des petits cercles soudés par
une même éthique de la création, des îlots de résistance à la
pollution ambiante et au décervelage organisé.