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«Philosopher avec la littérature, formule qui représente le mieux
l'esprit de ma démarche actuelle, ce n'est surtout pas philosopher sur la
littérature, en cherchant à plaquer sur elle des catégories préfabriquées
qui en dénaturent le libre jeu en le canalisant, en en rabotant les
aspérités à coups d'abstractions convenues en vue de le ramener dans
l'ordre du bien connu. Ce n'est pas non plus chercher les bribes de
philosophie susceptibles d'être extraites des oeuvres de littérature où
elles subsisteraient au titre d'éléments rapportés. Mais c'est faire ce que
j'avais proposé d'appeler, et je maintiens cette proposition, des exercices
de philosophie littéraire : c'est-à-dire, sans prétendre élucider leur sens
final, car de sens final, justement, elles n'en ont pas, aborder la lecture
d'oeuvres dites, en partie par convention, de littérature en essayant
de dégager de cette lecture une incitation à faire de la philosophie
autrement, d'une manière qui ne se substitue pas à celle que pratiquent
ordinairement les philosophes, qui sont eux-mêmes des écrivains d'un
type singulier, mais qui l'accompagne, sans la compléter, en lui offrant
de nouvelles orientations, de nouvelles manières de poser les problèmes
traditionnels de la philosophie, à défaut de pouvoir en esquisser les
solutions, pour autant que les problèmes soulevés par la philosophie
soient destinés à être résolus.»
Cette réédition de l'essai de Pierre Macherey, paru en 1990 sous le
titre À quoi pense la littérature ?, est l'occasion pour son auteur d'une
mise au point. Dans sa Préface, il revient sur son parcours intellectuel
et caractérise l'évolution de sa conception du rapport entre littérature
et philosophie de Pour une théorie de la production littéraire (1966)
à aujourd'hui.