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Le secret n'est pas que le fait des lois, il dépend avant tout de la discrétion des
hommes. Il aura suffi d'un individu pour que le secret bancaire helvétique subisse
l'une des plus sérieuses attaques de son histoire.
Bradley Birkenfeld aurait pu rester un banquier anonyme. Il aurait pu continuer
à jouir d'une vie privilégiée, partagée entre les États-Unis et la Suisse, faite de
voyages en business class, de vacances à Zermatt, le tout saupoudré de quelques
fêtes mondaines. C'était sans compter la dénonciation à laquelle fut forcé son
client le plus fortuné, tombé un jour dans les griffes acérées du fisc américain
puis contraint de «donner» son banquier. La chute du premier domino entraîna
celle du second. Menacé par la justice de son pays, le financier passa lui aussi
aux aveux dans l'espoir de diminuer le risque d'une condamnation à plusieurs
années d'emprisonnement. L'ex-banquier a ainsi servi à Washington, et sur un
plateau d'argent, la plus belle occasion de porter un coup sévère au plus important
établissement du pays, l'UBS, et de déchirer une fois encore le voile opaque
du secret bancaire helvétique. La première puissance du monde s'est d'autant
moins privée de mener la charge que son adversaire, isolé politiquement, dépendant
économiquement, n'avait aucun moyen de lui tenir tête.
Pourtant, en matière d'opacité financière, ni les États-Unis, ni la Grande-Bretagne
d'ailleurs, ne sont des parangons de vertu. La logique voudrait qu'ils
fassent le ménage chez eux avant de jouer les redresseurs de torts. Mais la logique
n'a rien à faire dans cette histoire. Elle s'efface devant les rapports de force.
L'Europe, surtout la France et l'Allemagne, ont largement profité de cette
salve anglo-américaine pour dénoncer à leur tour la fuite des capitaux. Acculé, le
Conseil fédéral annonçait le 13 mars 2009 son intention de renoncer à la distinction
entre fraude fiscale et évasion fiscale. La fin d'un symbole, avant peut-être
la disparition définitive du secret bancaire helvétique.