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En janvier 1655, Pascal se retire pendant trois
semaines à Port-Royal-des-Champs, où il
s'entretient avec Louis-Isaac de Sacy, théologien
janséniste, directeur de conscience des solitaires
de l'abbaye, figure austère de la foi chrétienne.
Afin de préserver la religion du "poison" que
représente à ses yeux la philosophie, Sacy se
réfugie dans une foi pure, fermée aux arguments et
aux doutes de la raison.
L'entretien qui s'engage alors entre Sacy et
Pascal prend d'abord la forme d'un dialogue de la
foi et de la raison, dans lequel ce dernier soutient
non seulement l'utilité mais la nécessité de la
philosophie : Pascal persiste à lire Epictète et
Montaigne parce qu'il trouve chez l'un la grandeur
de l'homme soumis à la volonté de Dieu, et chez
l'autre la misère de l'homme submergé par "le
torrent de l'incertitude". Si Epictète prête trop à
l'homme en ignorant son impuissance, Montaigne
lui donne trop peu en négligeant sa grandeur qui lui
vient de Dieu : le premier manque la nature, l'autre
la grâce.
Mais l'entretien n'aboutit pas à une synthèse
aussi facile qu'abstraite des deux philosophies.
Non, il conduit, comme le soutient Richard Scholar
dans sa "lecture", à un dépassement de la
philosophie dans la théologie, dépassement qui
est la vérité de la philosophie elle-même. Ce que
Pascal reproche à Epictète et à Montaigne, ce n'est
donc pas, comme le voudrait Sacy, de faire de la
philosophie plutôt que de la théologie, mais de ne
pas en faire assez : si un peu de philosophie
éloigne de la vérité de la foi, beaucoup y conduit.