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L'élection n'a pas toujours été tenue pour le moyen le plus
équitable, le plus efficace et le plus transparent de distribuer
les charges et les honneurs publics et de désigner ceux qui
devaient contribuer à la fabrication de la loi. Le vote
individuel et en conscience, dont la confidentialité et la fiabilité
sont garanties par des dispositifs et des objets concrets
(les bulletins secrets, les urnes, les isoloirs), n'a souvent pas
été davantage considéré comme la meilleure façon de prendre
une décision en commun sur les affaires importantes telles
que les impôts, la religion ou la science. Longtemps, d'autres
systèmes ont joui d'un prestige égal sinon supérieur,
qu'il s'agisse du tirage au sort, de l'hérédité, de la cooptation,
de l'acclamation ou de l'appel à l'Esprit saint.
Votes et élections existaient pourtant, dans d'innombrables
lieux et institutions : les villes et les villages, les ordres
religieux et les conclaves - où agissait justement l'Esprit
saint -, les universités et les académies. Mais ils servaient
d'autres fins que la recherche de la solution optimale,
la sélection des meilleurs représentants et la juste répartition
des charges : la reproduction sociale des élites, par exemple,
la construction de la hiérarchie des rangs et des statuts,
la protection de certains monopoles professionnels
ou encore la défense de l'orthodoxie religieuse...
Ils n'avaient finalement pas grand-chose à voir avec l'idée
que nous nous faisons de la démocratie et de la place
que les procédures électives doivent y tenir.
C'est à reconstruire cette longue histoire du vote avant
les révolutions du XVIIIe siècle et la naissance des systèmes
représentatifs modernes que s'attache ce livre. En rejetant,
à partir d'études de cas vivantes et précises, l'idée
d'un progrès linéaire du choix rationnel et des institutions
représentatives depuis la fin du Moyen Âge jusqu'aux
révolutions démocratiques, Olivier Christin porte au jour
les enjeux des débats qui ont actuellement pour objet
la critique de la décision majoritaire et de la démocratie
représentative.