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La sociologie, loin de «réduire» les pensées les plus originales
à des structures sociales impersonnelles, n'ignore ni la portée
des innovations ni la valeur des idées, mais envisage
les philosophes pour ce qu'ils sont : des hommes
comme les autres, dotés d'intérêts et d'attentes qui,
bien que spécifiques, ne tombent pas du ciel des idées pures.
La première des tâches est de comprendre comment, en France,
une doctrine pédagogique, un apprentissage scolaire,
des exercices comme la dissertation, un art oratoire contribuent
à structurer les esprits et à garantir le statut philosophique
des discours. Pour autant, la diversité croissante des manières
d'être philosophe dans la période contemporaine
n'est pas un simple leurre : le penseur original, le maître
de khâgne, l'érudit, la vedette médiatique semblent bénéficier
d'un même titre de noblesse intellectuelle.
Ce livre ne propose ni panorama, ni manifeste, ni plaidoyer,
mais des instruments d'analyse pour comprendre l'obscur
engendrement des idées et le pouvoir de séduction
que certaines d'entre elles semblent posséder.
Alors que la philosophie est devenue le lieu où s'affrontent
plus que jamais des définitions sensiblement opposées
de ce qu'elle est et prétend être, la sociologie peut favoriser
à sa manière ce regard réflexif auquel les philosophes auraient
mauvaise grâce à se soustraire puisqu'ils sont les premiers
à en revendiquer, sinon l'urgence, du moins les mérites.