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Publié au moment de la plus grande fortune
de Gramsci, cet essai a pour point de départ le
«paradigme italien», que met au jour une interprétation
«transpolitique», c'est-à-dire attentive au parallélisme
entre philosophie et politique, de l'histoire du XXe siècle :
c'est en Italie que sont nés Giovanni Gentile, philosophe
officiel du fascisme (mais qui avait donné, en 1899, le
principal commentaire des écrits philosophiques du jeune
Marx), et Antonio Gramsci, penseur marxiste sans doute
le plus lu après 1945. Del Noce explore l'influence,
non reconnue mais bien réelle selon lui, du premier sur
le second. Gramsci a pensé le marxisme comme un
immanentisme radical et le communisme comme
l'«analogue», dans un monde complètement sécularisé,
du christianisme médiéval.
Mais chez Gramsci, en définitive, «modernité» et
«immanentisme» prévalent sur «communisme» et
«révolution». Au terme d'un procès vers le nihilisme,
la révolution se renverse en dissolution et s'appelle
«contestation». Parodie de l'intellectuel organique
gramscien, le démystificateur contemporain n'est en fait
qu'un gardien du nihilisme chargé d'assister le «suicide
de la révolution» et le maintien du statu quo sous
le masque de la transgression par injonction.
Et le gramscisme, qui a renoncé à la mentalité
messianique, est condamné à finir en «permission
révolutionnaire» de conserver toutes les habitudes et
tous les préjugés intellectuels hérités des Lumières.
Bien qu'appartenant pleinement à la «génération du
Ventennio», Augusto Del Noce (1910-1989) n'adhéra pas
au fascisme. Marqué par les «philosophes de l'existence»
et par Maritain, il prit part à la Résistance et entama à
la fin de la guerre un long dialogue avec les intellectuels
communistes. Ce penseur inclassable, longtemps tenu
à l'écart, participa cependant à tous les grands débats
italiens de l'après-guerre. Il est aujourd'hui reconnu
comme l'un des plus grands philosophes italiens
contemporains et un interprète essentiel de l'histoire
du XXe siècle.