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Dans le mouvement de sa moto, Anne-France Dautheville a découvert une sorte de pureté, comme une graine emportée par le vent ou un grain de sable balayé par la vague. La moto l'a installée dans l'ordre de notre Terre, celle d'avant nous, celle de l'air, de l'eau, de la roche et de la plante. Tel est le bonheur de rouler au gré des petites routes. En France surtout, mais aussi ailleurs, elle raconte les lieux magiques qui se sont révélés à elle, comme ici, près de Crest, dans la Drôme : « La petite départementale était étroite et déserte, elle ondulait vers le Sud en suivant une rivière à main gauche. Des bosquets parfois l'encourageaient à continuer, leur fraîcheur délicieuse venait me caresser les joues. Je me revois quitter la forêt pour découvrir une sorte de prairie, une falaise grise avec un village collé contre la roche, comme ces oiseaux des côtes islandaises qui se mettent à l'abri, loin au-dessus des vagues. Un village dont les maisons sont des volatiles pétrifiés ; pour rejoindre le monde quand ils reprendront vie, la montagne leur a donné une arche, puissante, qui enjambe la rivière, touche la terre ferme et ses herbes grillées par le soleil. Je m'arrête, je regarde, la moto chuchote, pas trop fort, comme si le monde, une fois de plus, s'était ici endormi. »
